II

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On se demande avec une juste inqui?tude quelle sera son attitude au dedans comme au dehors.

Pour l’int?rieur, on a d?j? parl? d’une constitution; des espoirs grandissent, se bercent; on affirme qu’il s’est, de tout temps, assign?, r?serv? ce r?le de devenir souverain selon les id?es europ?ennes. Pour l’ext?rieur, on suppose qu’il s’?loignera de plus en plus de l’Allemagne et qu’il reprendra la politique du panslavisme.

Ceux qui attendent du nouveau tzar une constitution parlementaire perdront vite leurs illusions, nous en sommes du moins persuad?s. Ses rapports presquer intimes avec le parti ultranational semblent indiquer, au contraire, une certaine d?fiance ? l’?gard des constitutionnels. Les id?es accept?es en Europe sur les limites d’autorit? assign?es aux rois sont et resteront longtemps encore ?trang?res ? la Russie. Le pouvoir imp?rial pr?f?rera proc?der par grandes r?formes octroy?es par ukase pour arriver peu ? peu ? am?liorer d’une fa?on sensible le sort de ses sujets, surtout celui des paysans.

Ces r?formes, d’ailleurs, sont toutes pr?tes, tout indiqu?es, et depuis longtemps d?j? on les avait mises ? l’?tude. Alexandre II m?me avait ?t? sur le point de les appliquer, quand le mouvement nihiliste, s’accentuant, avait arr?t? ses projets et ajourn? ind?finiment ses intentions lib?rates.

Voici quelles seraient ces mesures;

1° Diminution consid?rable dans le payement du rachat des terres par les paysans.

On sait que ce rachat, dans les conditions o? il s’op?re, est pour les campagnes une ruine in?vitable.

2 °Changement radical du syst?me d’imp?ts;

3° Abolition de la capitation;

4° Facilit? d’?migration d’une province dans une autre.

Cette mesure peut donner ? l’agriculture en Russie un essor consid?rable. Certaines provinces, en effet, o? les habitants sont nombreux, demeurent improductives ? cause de la st?rilit? du sol. En d’autres contr?es, au contraire, la terre est fertile, mais les travailleurs manquent, et les excessives difficult?s qui entourent l’?migration mena?aient de faire s’?terniser cet ?tat de choses.

5° Grandes facilit?s pour les passeports.

Cette mesure rentre dans le m?me ordre de r?formes que la pr?c?dente, un paysan ne pouvant se d?placer, aller travailler dans une r?gion voisine sans ?tre astreint ? des formalit?s de passeport compliqu?es et co?teuses.

6° Fondation de banques rurales.

Cette derni?re cr?ation est destin?e ? d?barasser le pays d’un fl?au rongeur, les petits usuriers, qui mangent le paysan et d?vastent les campagnes comme une arm?e de sauterelles.

L’ensemble de ces r?formes am?nera infailliblement un soulagement consid?rable pour le travailleur rural. Elles sent urgentes, absolument urgentes, et il est probable qu’elles s’ex?cuteront avant la fin de l’ann?e.

Il est probable ?galement que la scrupuleuse probit? du nouvel empereur le d?cidera presque imm?diatement ? faire aussi dans les finances des r?formes consid?rables. Elles s’?tendront m?me, sans doute, au budget de l’arm?e; et elles arr?teront les distributions scandaleuses des terres de la Couronne qui avaient lieu au moyen de ventes fictives et de mille autres proc?d?s frauduleux.

Alexandre III s’efforcera, en outre, assur?ment, de relever la situation du clerg?, tout en donnant une plus grande libert? aux vieux croyants, qui sont, on le sait, tr?s nombreux.

Quant ? une constitution proprement dite, il serait assez surprenant qu’il l’accord?t. Toutes ses concessions ? ce point de vue se borneront sans doute ? laisser une plus grande latitude ? l’administration provinciale; il consentira nomm?ment ? faire participer le pays, les zemstvos, dans une certaine mesure, assez restreinte, ? l’administration des affaires.

Dans tous les cas, on ne peut pas pr?voir qu’il accorde plus qu’une simple convocation de d?put?s ayant seulement voix consultative sur un sujet d?termin?, objet unique de la r?union. Ainsi une assembl?e de cette nature a ?t? appel?e ? donner son avis sur la question d’?mancipation des serfs. Il en sera peut-?tre de m?me pour la r?partition nouvelle de l’imp?t et toutes les questions de finances qui s’y rattachent. Mais le tzar, ma?tre absolu, ne se trouve engag? en rien par les conseils de ces d?l?gu?s du pays, et il garde dans son int?grit? toute sa libert? d’action.

Quant ? toutes ces autres questions: libert? de la presse – accomplissement de la r?forme judiciaire – instruction populaire – suppression de l’exil administratif, de l’institution si d?cri?e des gendarmes ruraux, etc., il est difficile de pr?sumer qu’il s’?carte du syst?me d’ordonnances lib?rales descendant du tr?ne. Il pourra accorder de larges faveurs, sans avoir jamais l’air de reconna?tre un droit. On ne peut m?me pas supposer que des assembl?es puissent ?tre appel?es ? d?lib?rer et ? donner leur avis sur ces sujets.

On s’occupe beaucoup des mesures pr?ventives qu’il pourra prendre contre les nihilistes et de la s?v?rit? qu’il montrera ? leur ?gard. Il est pr?sumable que les circonstances seules d?termineront sa conduite. Il ne voudra pas se venger, mais il saura pr?venir et punir.

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