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Alexandre III poss?de plusieurs de ces qualit?s puissantes qui font, sinon les grands, du moins les bons et les vrais souverains. Chaque homme nait avec des aptitudes particuli?res pour une profession quelconque; ce prince semble n? avec des aptitudes r?elles pour le pouvoir.

Il est dans la force de l’?ge, sain de corps et d’esprit, de grande allure, d’aspect royal. Son caract?re est calme, r?fl?chi, ?n?rgique, ?quilibr?. La note dominante en lui, la qualit? qui enveloppe pour ainsi dire toutes les autres est l’honn?tet?, une honn?tet? scrupuleuse, absolue, sans pactisations et sans m?lange. Rien qu’? le voir, on le sent loyal des pieds ? la t?te, sans plis dans la pens?e, d’une sinc?rit? rigide; mais cette excessive droiture ne va pas sans une nuance d’ent?tement qui en est comme la cons?quence.

On conna?t son pass?.

Appel? ? la succession de l’empire par la mort de son fr?re, n’ayant re?u jusqu-l? qu’une ?ducation purement militaire, il s’est mis au travail avec une volont? et une pers?v?rance remarquables, s’effor?ant de devenir digne du grand tr?ne o? il devait monter; il est ? constater, d’ailleurs, que le nouveau tzar a plut?t une tendance ? douter de lui, de son savoir et de son esprit, une sorte de modestie r?elle en face de la situation souveraine o? le place la destin?e – modestie qui n’exelut pourtant ni l’esprit de suite ni l’?nergie dans la volont?.

Seul de sa race, peut-?tre, il est chaste, et il l’a toujours ?t?. Il a souvent manifest? dans sa propre famille sa profonde r?pugnance pour l’inconduite.

Des gens ?l?v?s avec lui affirment que, m?me enfant, il n’a jamais menti. Et il pousse si loin ses scrupules de franchise qu’au moment d’?pouser, pour des raisons politiques, la fianc?e de son fr?re mort, il ne lui a point cach? qu’il aimait une autre femme, la princesse M…, qui devint plus tard l’?pouse du tr?s riche et tr?s c?l?bre M. D… Sa confidence, du reste, eut un ?cho, car sa fianc?e ne lui dissimula point qu’elle avait aim? passionn?ment son fr?re. Et cependant ils ont form? un m?nage mod?le, un m?nage surprenant de concorde et d’affection pers?v?rante.

On a beaucoup parl? de la sympathie qu’il semblait ?prouver pour tel peuple et de l’antipathie qu’on lui pr?tait contre tel autre. On a aussi fait circuler des l?gendes, des histoires de verre bris?, etc., qui sont de pure invention. Tout ce qu’on peut dire de lui, c’est qu’il est Russe, et rien que Russe. Il pr?sente m?me un singulier exemple de l’influence du milieu, selon la th?orie de Darwin: c’est ? peine si dans ses veines coulent quelques gouttes de sang russe, et cependant il s’est identifi? avec ce peuple au point que tout en lui, le langage, les habitudes, l’allure, la physionomie m?me sont marqu?s des signes distinctifs de la race. Partout, en le voyant, on nommerait sa patrie.

On a pr?tendu qu’il d?testait les Allemands. Mais on a confondu les Allemands d’Allemagne avec les Allemands de Russie: ce sont ces derniers qu’il n’aime point.

On a affirm? qu’il ch?rissait la France avant toutes les nations. Le chauvinisme fran?ais a peut-?tre exag?r?. Voici la v?rit? sur cette sympathie qu’on lui pr?te depuis longtemps:

Avant 1870, il avait montr? des sentiments tr?s lib?raux; il paraissait l’alli? de c?ur des r?publicans fran?ais. L?-dedans entrait surtout une r?pulsion manifeste pour l’empereur Napol?on, dont la duplicit?, les habitudes de ruse et d’intrigue blessaient tous ses instincts loyaux. Mais quand la Commune est arriv?e, une col?re indign?e lui vint contre tous les faiseurs de r?volutions sanguinaires; et il r?p?ta ? plusieurs reprises, avec une sorte de regret sur ses convictions ?vanouies: «Voil? donc ? quoi ces choses aboutissent!»

C’est seulement depuis que la r?publique commence ? devenir raisonnable qu’une nouvelle r?action en faveur de la France semble s’?tre faite en lui.

En somme, la France et l’Allemagne tiennent peu de place dans son amour. Il n’est que Russe. Il n’aime et ne prot?ge que l’art russe, la musique russe, la litt?rature russe, l’arch?ologie russe. Il a fond? ? Moscou un grand mus?e national. Pour les m?mes raisons, il est fervent orthodoxe: sa pi?t? est r?ele et sinc?re.

En son pays, la plus grande part de son affection est pour le paysan; e’est sur le paysan que tomberont ses plus larges faveurs; c’est au paysan qu’il a pens?, au moment de rendre son premier ukase, le jour m?me de la mort de son p?re, en rappelant que pour la premi?re fois les hommes de la campagne, devenus libres, ?taient appel?s ? pr?ter serment.

Mais si ses bienfaits doivent aller aux paysans, ses rigueurs infailliblement atteindront, du haut en bas de l’?chelle, toute la bureaucratie russe, don’t il n’ignore pas la pourriture et les d?pr?dations. Pendant le commandement qu’il exer?a, son honn?tet?, r?volt?e, n’a pas pu se contenir devant les exactions dont il fut t?moin, m?me dans sa propre famille. Il semble bien r?solu ? y mettre fin; ce nettoyage de fonctionnaires v?reux est m?me d?j? commenc?.

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